Nintendo, Microsoft, Sony : le bal des arrogants
La tentation de l'hubris

Les précos de la Switch 2 battent leur plein dans plusieurs coins du monde depuis hier, et si on ignore ce que donnent les premiers chiffres, il ne fait guère de doute que Nintendo a déjà écoulé quelques palettes à l'aise. Les précommandes devaient commencer aujourd'hui aux États-Unis, mais elles ont été reportées à des jours meilleurs à cause de cette andouille de Trump — et le Canada, qui n'y est pour rien, subit lui aussi le report. Grmmpff.
Mais après avoir servi les early adopters et les fans inconditionnels, Nintendo va devoir aller chercher le grand public et les joueurs pas pressés de changer de crémerie. Une des problématiques de la Switch 2, c'est son prix : 470 €, c'est une somme autrement plus élevée que la Switch 1. Et puis les jeux ne sont pas spécialement donnés non plus.
Le syndrome du patron déconnecté
Cette question du prix, qui a vraiment pourri la fête de la présentation la semaine dernière (le fameux « drop the price » scandé par les spectateurs des Treehouse), a été abordée par tous les médias qui ont pu approcher le patron de Nintendo Of America, le bien nommé Doug Bowser. Le dirigeant a servi à tout le monde des variations de la même explication, mais celle donnée à CBC a plus particulièrement frappé l'imaginaire.
« Nous reconnaissons que certaines personnes pourraient ne pas avoir les moyens de s’offrir [la Switch 2] à son prix », déclare-t-il. « C’est pourquoi nous avons voulu maintenir les autres modèles de Switch disponibles, afin que [les joueurs] aient malgré tout la possibilité d’entrer dans notre univers vidéoludique, de découvrir ces personnages et ces mondes, et d’y trouver de la valeur, quel que soit le niveau de la gamme auquel ils accèdent. »
En résumé : si vous ne pouvez pas vous offrir la Switch 2, contentez-vous de la Switch 1. Cette réponse quelque peu condescendante évoque celle donnée par Don Mattrick, alors patron de la division Xbox de Microsoft, qui avait déclaré en 2013, au lancement de la Xbox One : « Heureusement, nous avons un appareil pour les personnes n'ayant pas de connexion internet chez eux : ça s'appelle la Xbox 360 ».

À l'origine, la Xbox One devait en effet se connecter au moins une fois par jour à Microsoft, y compris pour les jeux solo. Sans cette connexion obligatoire, la console désactivait l'accès aux jeux. Cette phrase hors sol est restée comme le symbole de la déconnexion entre Microsoft et une partie de son public. Le constructeur a fait machine arrière, mais c'était trop tard : il a perdu la guerre des consoles pour toujours.
Aucun constructeur n'est immunisé contre la maladie mortelle de l'arrogance. En 2007, un an avant le lancement de la PlayStation 3, le patron de Sony Ken Kutaragi avait déclaré que les joueurs voudront faire des heures sup' pour se payer la future console. Sony s'est mordu les doigts de cette arrogance, mais fort heureusement le lancement complètement foireux de la Xbox One a permis à l'entreprise de redresser la barre.

Nintendo n'est pas aux abois. Mais les ressemblances entre d'une part le Nintendo d'aujourd'hui, et d'autre part le Microsoft et le Sony d'hier sont frappantes. Chaque entreprise dominait le secteur des consoles, avec la Switch pour le premier, la Xbox 360 pour le second et la PS2 pour le troisième. Et dans tous les cas, l'hubris est fort : Microsoft a cru pouvoir imposer sa loi sur la manière dont les joueurs pouvaient profiter de leurs jeux. Sony se sentait tellement puissant qu'il pensait que les joueurs allaient se saigner aux quatre veines.
Aujourd'hui, Nintendo pense avoir les coudées franches pour faire les poches de ses clients, en faisant payer le moindre bout de truc à l'image de l'app Welcome Tour, une démo technique à 10 $. Bowser et Mattrick ne pensaient pas à mal avec leur petite phrase (on ne peut pas être aussi affirmatif pour Kutaragi). Malheureusement, Nintendo devrait plutôt chercher à arrondir les angles plutôt que de les affûter.
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