Game Pass, ça passe ou ça casse ?
La meilleure offre pour les joueurs ne l'est pas forcément pour Microsoft
Le Game Pass est toujours perçu comme la meilleure offre du marché pour les joueurs, et c'est toujours le cas malgré la bordélisation du service décidée l'été dernier par Microsoft. Mais justement, est-ce une si bonne affaire pour l'éditeur ? Entre le lancement de 2017 et 2021, le Game Pass avait atteint 18 millions d'abonnés, et depuis l'entreprise ne donne plus de chiffres régulièrement.
Microsoft a néanmoins fait un point d'étape en février 2024, en annonçant que le service avait enregistré 34 millions d'abonnés, soit 36 % de plus qu'en 2022. Depuis, c'est le silence radio. On aurait pu penser que le lancement de Call of Duty: Black Ops 6 en octobre dernier aurait permis au groupe de fanfaronner en annonçant de nouveaux chiffres pour le Game Pass, mais rien.
À l'époque, Satya Nadella, le patron de Microsoft, avait affirmé que le service avait établi « un nouveau record de revenus » et qu'un nombre record de joueurs s'y étaient abonnés le jour de la sortie du jeu. Rien de plus précis ni de chiffré.
Alors, tout va bien pour le Game Pass ? Pas si sûr. Il semble assez clair que Microsoft ne tiendra pas son objectif de 100 millions d'abonnés d'ici 2030. Ça signifierait une croissance de 40 % par an sur les cinq prochaines années, soit bien plus rapide que la progression annuelle enregistrée depuis 2020.
La meilleure preuve de l'abandon (officieux) de cet objectif, c'est que depuis octobre 2023, la croissance du Game Pass ne fait plus partie des métriques de performances qui permettent de déterminer la rémunération de Satya Nadella…
Parmi les déceptions du Game Pass, le site The Information rapporte que Microsoft avait espéré attirer des éditeurs et des développeurs à louer des serveurs Azure pour leurs besoins infonuagiques. Mais le cordonnier est toujours le plus mal chaussé : Activision n'utilise pas Azure, et il loue toujours des serveurs Google et Amazon…
Les éditeurs frileux pour le Game Pass
Le pitch de Microsoft pour attirer les grands éditeurs à proposer leurs jeux sur le Game Pass ne séduit guère, contrairement aux indépendants qui ont besoin d'argent frais pour faire bouillir la marmite. Heureusement que l'éditeur peut compter sur les gros titres de ses propres studios pour relancer la machine marketing de temps en temps.
Christopher Dring, un ancien de GamesIndustry.biz, a expliqué durant une séquence de questions/réponses que le lancement d'un jeu sur le Game Pass signifiait des ventes potentielles en moins sur Xbox. « Les jeux présents sur Game Pass peuvent s'attendre à perdre environ 80 % de [leurs] ventes premium prévues sur Xbox », a-t-il indiqué en précisant que « c'est le chiffre qui circule ».
« C’est moins élevé si c’est une sortie grand public majeure, mais en général… regardez la place occupée par Hellblade 2 dans les classements. Ou quand Indiana Jones est arrivé. Ou même Starfield », évoque-t-il. « Le Game Pass a clairement nui aux ventes de ces titres sur Xbox. »
Néanmoins, ces ventes perdues sur Xbox ne sont pas nécessairement une catastrophe en soi. La présence d'un titre multiplateforme populaire sur le Game Pass peut avoir un impact fort sur les ventes de la version PlayStation. Car « avoir des gens qui jouent à votre jeu en 2024 ou 2025 est tellement difficile », rappelle Dring. Le Game Pass permet à des joueurs de tester et éventuellement, d'adopter de nouveaux jeux.
« Il y a beaucoup de gens qui ne jouent qu’à Call of Duty », explique-t-il. « Et si certains de ces joueurs décidaient d’obtenir Call of Duty via Game Pass, et que ces mêmes personnes profitaient de l’occasion pour jouer à d’autres jeux sur le Game Pass… il est difficile de dire que c’est une mauvaise chose. »
Le Game Pass est en fait devenu l'axe stratégique ultime pour sortir Xbox de l'ornière. Microsoft l'a habilement compris dans sa dernière campagne de pub en annonçant fièrement que « tout est une Xbox ». Grâce au Game Pass…
Ce qui est sûr, c'est que Microsoft est entré dans un nouveau cycle : il faut rentabiliser les dépenses gargantuesques engagées pour acheter des studios. Et puisque les plateformes Xbox et Windows ne suffisent pas, les exclusivités passent à la trappe et deviennent multiplat'. Aucun symbole n'est épargné, même plus Halo ou Gears of War qui pourraient passer une tête sur la Switch 2 et la PS5.
Le Game Pass a donc des bénéfices, même si ce n'est pas le carton atomique tant espéré par Microsoft. En 2021, Satya Nadella avait été confronté à deux choix : poursuivre et amplifier le Game Pass en achetant des studios, ou tout abandonner et se concentrer sur les activités hyper rentables de l'éditeur. Il a choisi la première solution, ce qui a poussé l'entreprise à acquérir Bethesda la même année, puis Activision en 2023. Le regrette-t-il aujourd'hui ?
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