30 ans de PlayStation, merci Nintendo
Bon anniversaire PlayStation !
Si Sony règne en maître sur le marché de la console de salon, c'est quelque part grâce à Nintendo… et à une trahison restée fameuse dans l'histoire des jeux vidéo. Bien avant le lancement japonais de la PlayStation il y a 30 ans quasiment jour pour jour, Sony fournissait à Nintendo le processeur audio de la SNES. Ken Kutaragi, l'ingénieur de Sony ayant conçu la puce, est aussi celui qui est à l'origine de ce deal. Il est désormais surnommé le « père de la PlayStation » : c'est lui qui a poussé Sony et ses dirigeants les plus réticents à se lancer en solo. Mais on n'en est pas encore là !
Nintendo, qui travaille avec Sony depuis 1988 sur ces fameuses puces audio, propose à son partenaire de développer une extension CD-ROM pour la SNES. Ça tombe bien : Sony planche déjà sur cette nouvelle technologie avec Philip ! Et produire un lecteur de CD pour Nintendo permettrait au groupe de mettre un pied sur un marché de la console en pleine ébullition.
Sauf que voilà : comme le rappelle Damien McFerran dans le hors série de Retro Gamer pour les 20 ans de la PlayStation (disponible sur Internet Archive), l'accord entre les deux entreprises est très favorable à Sony… et même trop aux yeux de Nintendo. Le format « Super Disc » utilisé pour la SNES était complètement sous le contrôle de Sony qui détenait les droits exclusifs à l'international. Chaque jeu SNES vendu sur CD rapportait donc de fructueuses redevances à l'entreprise.
Non seulement Sony avait le droit de développer des jeux pour le système, mais il était prévu que le constructeur puisse lancer sa propre console tout-en-un capable de lire à la fois des cartouches SNES, et des jeux sur CD-ROM… un appareil baptisé « Play Station » (avec un espace entre les deux, même si les historiens ont du mal à se mettre d'accord). Ken Kutaragi est la cheville ouvrière de ce partenariat extrêmement profitable à Sony. Mais évidemment, Big N a fini par se poser des questions.
Nintendo avait mis en place avec les éditeurs tiers une structure de licences qui lui rapportait gros. Le système de cartouches, entièrement contrôlé par le constructeur, était aussi très lucratif et il ne se privait pas de favoriser ses propres jeux au détriment des autres éditeurs. En résumé, il n'était pas question de se faire manger la laine sur le dos par Sony !
La trahison de Nintendo
Le président de Nintendo de l'époque, Hiroshi Yamauchi, n'était pas un rigolo dans le business. Il est à l'origine de ce qui est une des trahisons les plus célèbres de l'industrie du jeu vidéo. Début 1991, durant le CES, le grand salon de l'électronique de Las Vegas, Sony a fait monter la sauce en dévoilant les détails de son alliance avec Nintendo, le format Super Disc et le développement de la Play Station compatible SNES. Le lendemain, coup de poignard dans le dos : Nintendo révèle une collaboration avec Philips pour développer un lecteur CD pour la SNES…
C'est dans le plus grand secret que Hiroshi Yamauchi et ses sbires avaient négocié avec le géant européen. Un accord de dernière minute qui a accouché d'une souris : qui se rappelle des misérables jeux Nintendo pour CD-i ? En attendant, Nintendo avait réussi son coup et humilié Sony publiquement. Mais ce dernier ayant englouti des sommes formidables dans ce projet de Play Station, en terminer avec cette aventure était difficile à concevoir.
Malgré la trahison et l'humiliation du CES, un nouvel accord est scellé en 1991 entre les deux sociétés. Sony y gagne l'autorisation de rendre la Play Station compatible avec les jeux SNES sur CD-ROM, mais c'est Nintendo qui engrange la plus grande partie des royalties sur les jeux. Le deal ne mène cependant à rien sauf à une ribambelle de prototypes n'ayant jamais dépassé le stade expérimental. Nintendo ne faisait finalement que gagner du temps pour éviter l'arrivée d'un rival potentiel sur le marché.
En juin 1992, une réunion des dirigeants de Sony a failli mettre un terme prématuré à l'arrivée du constructeur dans les consoles. Norio Ohga, le président du groupe, veut décider du sort de la machine. Ken Kutaragi intervient alors en dévoilant son plan pour la suite : pour lui, la Play Station 16 bits — la SNES avec un CD-ROM — est une impasse, surtout avec un tel partenaire. La seule solution est de faire cavalier seul avec une console 32 bits capable d'afficher des graphismes 3D à une vitesse jamais atteinte.
Ken Kutaragi a obtenu gain de cause en questionnant la fierté de Sony : l'entreprise veut-elle vivre la boule au ventre et la honte au front, Nintendo ayant ouvertement abusé de sa confiance ? L'argument fait mouche. Ohga prend Kutaragi sous son aile, un atout majeur pour poursuivre le développement de la console, sans l'aide d'un partenaire encombrant. L'échec avec Nintendo se sera révélé un véritable catalyseur pour Sony.
Début 1994, Sony confirme se lancer dans le secteur du jeu vidéo avec sa propre console, lancée au Japon le 3 décembre 1994 avec un solide line-up de jeux qui ont marqué leur époque (dont Ridge Racer). La suite… tout le monde la connait !
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